Le monde célèbre chaque 3 mai la liberté de la presse. Thème retenu cette année au Burkina : « Quel rôle pour le journaliste en situation de guerre ?” Une occasion pour les Hommes de médias, de faire l’état des lieux de la liberté de la presse sur le plan national. Les résultats d’une étude réalisée par le Centre national de presse Norbert Zongo (CNP-NZ) affiche un tableau sombre. La moyenne sur 4 qui était de 2,21 en 2022 est passée à 1,96 en 2023.
Les résultats de ce rapport couvrent une période d’une année : du 1er mars 2023 au 31 mars 2024.
L’objectif, selon le consultant en communication, Moussa Sawadogo, est de faire l’état des lieux de la liberté de presse au Burkina Faso pour la période 2023.
De façon spécifique, il s’agit, dit-il, de donner un aperçu général de la situation de la liberté de la presse au Burkina en 2023. Mais également de dresser un tableau général des situations des médias dans la même période, d’identifier les formes récurrentes de violation de la liberté de presse auxquelles sont confrontés les journalistes et les médias au Burkina. Des recommandations ont été également faites.
Au total, cinq points sont définis pour l’évaluation de l’indice de la liberté de presse au “Pays des Hommes intègres”.
Le premier vise à évaluer les normes juridiques et sociales afin de voir si elles protègent et favorisent la liberté d’expression au Burkina.
Pour le deuxième, il s’agit de voir si le journalisme satisfait aux normes de qualité professionnelle.
Troisième point : voir s’il existe une diversité de médias qui offrent aux citoyens des informations objectives et fiables.
Quatrième axe : les entreprises de presse sont-elles bien gérées et viables, permettant le renforcement de la liberté de presse ?
Cinquième objectif : Est-ce que les institutions et organisations professionnelles de médias agissent pour les intérêts professionnels des journalistes ?
Ces cinq objectifs s’inscrivent, selon Moussa Sawadogo, dans la classification et la moyenne définie.
À chacun de ces objectifs, les experts devraient attribuer une note qui va de 0 à 4.
“Au niveau de l’objectif 1, qui concerne les normes juridiques, nous avons trouvé une moyenne de 1,75 sur 4; ce qui veut dire que ce n’est pas bon (…) Le Burkina a des textes, une réglementation plus ou moins libérale en matière de création des médias. Malheureusement, le problème se trouve au niveau du respect de ces textes”, déplore Moussa Sawadogo.
Le deuxième objectif concerne la pratique professionnelle des journalistes. Là, la moyenne est de 2,83. Cela signifie, selon M. Sawadogo que malgré la situation difficile, les journalistes burkinabè, dans l’ensemble, arrivent encore à respecter les normes de qualité si on s’en tient à l’éthique et à la déontologie.
Pour le point concernant la diversité des médias et l’offre des informations, la moyenne est de 2. Cela montre, selon les auteurs de l’étude, que le journalisme au Burkina satisfait à des normes professionnelles.
“Malheureusement, les experts ont relevé que dans l’opinion publique et même souvent au niveau des autorités, parfois à dessein, on a tendance à confondre les journalistes avec les super-activistes et tous ceux qui sont sur les réseaux sociaux. Donnant l’impression que le problème se trouve au niveau des journalistes”, déplore Moussa Sawadogo.
Au niveau de l’objectif 4, la fiabilité financière des entreprises de presse, la moyenne est à 1,77.
Les experts ayant mené l’étude estiment alors que les entreprises de presse au Burkina ne sont pas bien gérées. Et ne sont pas fiables permettant le renforcement de la liberté de la presse. Ils mentionnent ici la fermeture de médias pour non paiement d’impôts. Par exemple, fin avril 2024, les services des impôts ont procédé à la fermeture du groupe Savane Médias pour des raisons de fiscalité.
Le point 5 a été sanctionné par une note de 2,51. Ce point porte sur la contribution des institutions et organisations professionnelles pour soutenir les journalistes.
Analyse de résultats
À l’analyse des résultats, les experts notent une nette régression de l’indice de la liberté de la presse au Burkina.
“L’indice de la liberté de la presse au Burkina Faso en 2023 est de 1,96/4”, ont-ils indiqué.
Ce chiffre, selon Moussa Sawadogo, montre que le Burkina remplit les conditions minimales garantissant l’exercice de la liberté de la presse. Malheureusement, poursuit-il, il existe des forces sociales qui s’opposent à sa mise en œuvre.
“L’environnement commercial ne le soutient pas, et le gouvernement ou les institutions professionnelles ne soutiennent pas le changement de manière active et complète. Pire, nous constatons un recul de l’indice de la liberté de la presse de 2023 par rapport à l’indice de la liberté de la presse de 2022, qui est de 2,21. Il y a donc un recul de 0,52 ”, a-t-il déploré.
Le pays a connu une période haussière entre 2016 et 2018. Par exemple, la note de 2018 est de 2,68.
“En 2023, nous avons 1,96. Cela illustre un recul sans précédent de la liberté de la presse au Burkina Faso. Depuis que l’indice existe, c’est la première fois qu’on a une moyenne aussi basse. C’est la première fois que la liberté de la presse au Burkina atteint un niveau aussi mauvais”, alerte Moussa Sawadogo.
Cela est la preuve d’une dégradation continue des conditions et des contextes de production de l’information journalistique au Burkina.
Les experts ont alors fait des recommandations.
En ce qui concerne les normes juridiques et sociales qui ne protègent pas et ne favorisent pas la liberté d’expression et de la presse, ils lancent un appel à l’application des textes sur l’accès à l’information.
Les journalistes, selon cette étude, ont relevé qu’il ne leur est plus permis d’aller faire des reportages à la Présidence du Faso. “Ce sont des communiqués qu’on leur envoie. On a une uniformisation des titres, parce que chacun a peur de changer le communiqué du gouvernement, transformant ainsi certains médias en agences de communication”, explique Moussa Sawadogo. Cela pose, selon lui, le problème d’accès à l’information.
Il déplore également des menaces contre les journalistes. Là également, une non application des dispositions de la loi est dénoncée.
Selon lui, un discours de haine est proféré contre les journalistes par des individus se faisant appelés “Wayignans” ou “soutiens du gouvernement de Transition”. Il invite ainsi les acteurs de la justice à jouer leur rôle. Il déplore que de tels propos violents se profèrent via les canaux médiatiques sans que la justice ne s’auto-saisisse.
Les autorités burkinabè, au nom de qui ces individus s’expriment, devraient également, selon ce consultant en communication, se désolidariser des acteurs de ces menaces.
“Le silence des autorités donne l’impression qu’elles soutiennent ces menaces”, a-t-il indiqué.
Autre problème soulevé par les experts : un discours stigmatisant des premières autorités du pays.
Ils font notamment référence à la notion de journaliste “patriote/journaliste apatride” développée par le ministre de la Communication Jean Emmanuel Ouédraogo.
Ils déplorent ainsi une “déshumanisation des hommes de médias et de tous ceux qui ont un avis critique concernant la gestion du pouvoir par le gouvernement de Transition”. Avec des cas d’appels au meurtre contre des journalistes.
Les recommandations vont également à l’endroit des journalistes et des associations professionnelles de journalistes. Ils sont invités à travailler pour l’amélioration de la qualité de la production journalistique. Cela en formant les journalistes.
L’étude recommande au gouvernement d’apaiser le climat avec les journalistes. Il devrait, selon ses auteurs, “travailler dans une relation de collaboration au lieu de continuer à regarder les journalistes comme les ennemis du Burkina”. Cela permettrait, disent-ils, d’améliorer le travail des journalistes.
Appel également pour l’amélioration des conditions de travail des journalistes. Il faut permettre aux journalistes de travailler dans de meilleures conditions. Les auteurs de l’étude plaident ainsi pour une relecture de la “Convention collective” afin d’améliorer les conditions matérielles de travail des journalistes.