L’“affaire Me Guy Hervé Kam” continue de faire des vagues. L’organisation politique de l’avocat, le mouvement “Servir et non se servir” (SENS) a indiqué, ce 29 mai, à travers un communiqué, qu’il avait été déposé par des agents de la Sûreté de l’État non loin de son domicile. “Immédiatement, un autre groupe d’hommes armés l’a récupéré pour une destination inconnue”. Dans une déclaration daté de ce 30 mai, le Bâtonnier burkinabè revient sur les faits. Déplorant des “atteintes aux libertés fondamentales dont sont victimes des citoyens en méconnaissance des règles”. Le Bâtonnier dit “condamner, avec fermeté, le refus d’exécuter des décisions de justice”. Il convie par ailleurs “l’ensemble des avocats à une Assemblée générale extraordinaire le lundi 3 juin 2024 à 09h00 minutes à la Maison de l’Avocat”. Nous vous proposons l’intégralité de la déclaration.
“DÉCLARATION
Le Barreau du Burkina Faso :
Rappelle à l’opinion publique nationale et internationale que depuis le 24 janvier 2024 l’avocat Guy Hervé Kam, en provenance de Bobo-Dioulasso où il avait des audiences, a été enlevé par des agents de la Sûreté de l’État relevant de la Police nationale.
Conduit vers une destination inconnue à ce jour, il a été séquestré depuis lors et, les procédures de référé-liberté engagées par ses avocats ont engendré des décisions du juge administratif ordonnant sa liberté immédiate d’une part et faisant défense à l’État d’avoir à réitérer de tels agissements dans les mêmes conditions d’illégalité d’autre part. Ces décisions rendues contradictoirement et signifiées avec commandements aux fins d’exécuter aux autorités compétentes ont été simplement ignorées et le refus de les exécuter a été acté.
Puis, entre temps, le Procureur du Faso près le Tribunal de Grande Instance Ouaga 1 disant avoir été saisi par la Sûreté d’État impliquant l’avocat, a saisi le Président de la Chambre de l’Instruction via le Procureur Général près la Cour d’appel de Ouagadougou, d’une demande d’ordre de faire auditionner Guy Hervé Kam par le Service régional de Police judiciaire (SRPJ). Consulté à cet effet, le Bâtonnier a indiqué au Président de la Chambre de l’Instruction que :
-la consultation n’avait, en l’espèce, rien de préalable puisque l’avocat était déjà séquestré depuis une soixantaine de jours à l’époque;
-le juge administratif a ordonné sa libération immédiate;
-le parquet général de la cour d’appel et le Président de la chambre lui-même avaient été saisis du cas de l’enlèvement et de la séquestration sans autre suite;
-l’Ordre ne voit pas en quoi les pièces communiquées mettent en cause l’avocat et tout laisse croire que ce n’est qu’un prétexte pour porter atteinte à son indépendance et à son état d’avocat;
-le Bâtonnier considère en tout que pareille consultation était tout à fait inopérante et non avenue.
Suite à cela, le Président de la Chambre de l’Instruction a attiré l’attention du Procureur du Faso près le TGI Ouaga 1, sur l’impératif d’exécuter la décision judiciaire et, si audition il y a, qu’elle soit faite dans le respect des règles attachées à sa qualité d’avocat.
Depuis lors, plus rien, plus rien n’a été entendu.
Curieusement, dans la nuit du 29 au 30 mai 2024, marquant le 128e jour de sa séquestration, des témoins et membres de la famille de Guy Hervé Kam ont aperçu des hommes embarqués et à véhicule, se stationner dans un espace en face de son domicile. Ils ont reconnu Guy Hervé Kam à sa sortie du véhicule. Un autre véhicule qui est arrivé immédiatement et s’est stationné non loin de là, s’est avancé. Contre toute attente, des hommes qui en sont sortis l’ont embarqué dans cet autre véhicule et sont partis en trombe avec lui, sous le regard médusé de son épouse et de son enfant.
Des informations recueillies, il ressort que le confrère s’est vu extorquer sa signature par ses geôliers sur ordre, selon eux, du Directeur Général de l’Agence Nationale du Renseignement (ANR) qui aurait indiqué que c’est lui qui l’avait fait « prendre » depuis janvier et qu’ils le conduisaient à son domicile maintenant. Ce sont eux qui l’ont embarqué en direction de son domicile avant de stationner dans la pénombre non loin pour le remettre aux occupants d’un autre véhicule.
Des personnes qui ont suivi le véhicule ont pu constater qu’il a été emmené à la Section de recherches de la Gendarmerie nationale.
Aujourd’hui, aux environs de 10h du matin, un appel téléphonique provenant du tribunal militaire a demandé à deux de ses avocats de se présenter dans un cabinet d’instruction audit tribunal. S’y étant rendus, ses avocats ont constaté qu’il y avait été emmené et comparaissait devant le juge d’instruction du cabinet numéro 2 du tribunal militaire. Ce dernier lui a décerné un mandat de dépôt dans ces circonstances et Guy Hervé Kam a été conduit vers la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA) où il est incarcéré depuis ce jeudi 30 mai 2024.
Le Barreau constate dès lors, pour le regretter profondément :
Que l’échange manuel entre les agents de l’ANR et ceux de la Gendarmerie avec pour objet d’échange la personne de Kam Guy Hervé n’est rien d’autre que la persistance du refus d’exécuter une décision de justice;
Que le Bâtonnier n’a jamais été l’objet d’une quelconque consultation préalable par qui que ce soit suite à une initiative de poursuite d’un juge d’instruction du Tribunal militaire;
Que le confrère Guy Hervé Kam dont on dit qu’il aurait fait l’objet d’un mandat d’amener n’a jamais reçu et refusé d’y déférer, une convocation quelconque d’aucun juge d’instruction si bien que l’invocation d’un mandat d’amener dans ces circonstances surprend tous les juristes;
Notant qu’il ne s’agit ni plus ni moins que de la persistance et de la réitération de violations dont l’auteur a juste changé, le Barreau:
-déplore les atteintes aux libertés fondamentales dont sont victimes des citoyens en méconnaissance des règles;
-condamne avec fermeté le refus d’exécuter des décisions de justice;
-exige le respect des règles relatives aux arrestations, poursuites, auditions et interrogatoires de tout citoyen de ce pays;
-convie l’ensemble des avocats à une Assemblée générale extraordinaire le Lundi 03 Juin 2024 à 09h00 minutes à la Maison de l’Avocat.
Ouagadougou, le 30 mai 2024
Siaka NIAMBA
Bâtonnier de l’Ordre
Officier de l’Ordre de l’Étalon”
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