Dans leur nouvelle chanson intitulée “Actualités brûlantes”, les artistes ivoirien, Tiken Jah Fakoly, et togolais, Amen Jah Cissé, font le tour d’horizon de l’actualité politique dans certains pays africains. Plusieurs sujets y sont évoqués : éventuel 4è mandat du président Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire, modification de la Constitution au Togo, monarchie de père en fils au Tchad. Au Cameroun, ils décrivent un “Président inexistant”. L’Alliance des États du Sahel (AES) n’est pas non plus épargnée. Là, les deux icônes du reggae dénoncent une “atteinte à la liberté d’expression”. Dans toutes les situations politiques mentionnées, ils tirent la sonnette d’alarme : “N’enflammez pas nos pays, ne brûlez pas; nous sommes fatigués; nos populations sont fatiguées de vos calculs politiques”. Ce titre, publié le 8 août dernier, suscite de vives réactions.
Les situations politiques sont décrites les unes après les autres. Les artistes prennent à témoin l’histoire. Concernant la situation politique en Côte d’Ivoire par exemple, ils rappellent la crise postélectorale de 2011. “Les souvenirs de 2011 nous hantent encore (…) Regardez ce qui se passe en Côte d’Ivoire : après 3000 morts, un match-retour se prépare à l’horizon, un 4è mandat. Combien de morts aurons-nous encore dans les tribunes ? Ce match retour sera le match de trop”, déclare Tiken Jah Fakoly, de son vrai nom Doumbia Moussa Fakoly. Et il ajoute ceci : “La Côte d’Ivoire a tellement souffert des crises politiques. Pardonnez, politiciens ivoiriens, ayez pitié !”.
En décembre 2023, Tiken Jah Fakoly, icône du reggae africain, a entrepris un voyage au Burkina où il a organisé deux concerts.
Le 22 décembre, il a rencontré le Président de la Transition, le Capitaine Ibrahim Traoré, à Ouagadougou. Lors de cette audience, il a salué l’engagement du Chef de l’État burkinabè dans la lutte contre le terrorisme et pour la souveraineté nationale, rapporte la Présidence du Faso. Il a également évoqué la question de l’unité africaine. “Le combat au Burkina Faso aujourd’hui, est un combat pour l’Afrique et pour la vraie copie de l’indépendance. Parce que, celle qui nous a été donnée en 1960 était la photocopie. Notre génération a donc décidé de récupérer la vraie copie sans animosité et sans être contre quelqu’un”, a déclaré l’artiste.
Pendant son séjour à Ouagadougou, Tiken a évoqué, lors d’une émission télévisée, une “atteinte aux libertés” au Burkina. “Je suis contre la restriction des libertés. Je condamne cela. Il faut laisser le peuple s’exprimer”, a-t-il déclaré. Affirmant que la liberté d’expression permet de limiter la propagation de la théorie du complot.
“Lorsque vous laissez une personne s’exprimer, elle ne peut pas penser à autre chose. Elle ne peut pas aller dans un complot contre vous”, avait-il argumenté. Dénonçant l’arrestation de personnes ayant des voix discordantes au Mali, au Burkina et au Niger. Il met cependant des garde-fous sur la liberté d’expression dont il parle. Relevant notamment qu’il ne fallait pas, dans le cadre de la liberté d’expression, exposer les Forces combattantes. Le sujet de la liberté d’expression dans l’espace AES s’est invité dans ce nouveau titre. Et le rastaman se montre plus critique : “Ne gâtez pas l’AES, ne gâtez pas. La liberté d’expression (est) mangée par la révolution, acquise dans le sang. Regardez ce qu’il se passe dans l’AES, dès que tu critiques un peu, c’est le front ou la prison”.
Ces vers, achevés par un coup de pied (clip vidéo) ont vite suscité la réaction des internautes de l’AES. Sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, un débat houleux oppose deux camps : les soutiens aux propos de l’artiste et ceux qui les condamnent.
“Quand tu parles de liberté d’expression, tu penses que nos pays en guerre doivent laisser n’importe qui communiquer, même s’il le fait pour l’ennemi ?”, interroge l’activiste Fortune Younga, un soutien affiché du régime de transition au Burkina. Il estime que “ceux qui sont emprisonnés ou qui sont emmenés au front ne sont pas des gens qui critiquent juste le pouvoir en place, mais ceux qui sabotent les efforts des Forces de défense et de sécurité (FDS) à travers des méthodes très favorables à l’ennemi”.
Certains internautes lancent un appel à Sana Bob, un rastaman burkinabè afin qu’il réponde, disent-ils, avec un “son” à l’artiste ivoirien.
D’autres estiment que Tiken Jah a décrit une réalité. Parmi eux, l’activiste Daouda Toé. “Il y a des gens qui marchent avec toi, rient avec toi, mais ils t’attendent au tournant. Ils sont incapables de te dire les choses en face. Nos vrais amis sont dans l’ombre, ils nous disent les choses dans l’ombre et ils font des choses pour nous dans l’ombre”, affirme-t-il.
Trois jours après sa publication, ce titre de 4,55 mn enregistre, sur la chaîne YouTube de Tiken Jah Fakoly, plus de 300 000 vues. Les débats, eux, continuent. Avec des positions visiblement difficiles à concilier.