Dans le cadre de la lutte contre la corruption, le Réseau National de Lutte Anti-Corruption (REN-LAC) a initié ce 28 février 2023 à Ouagadougou un atelier pour examiner le texte d’un avant-projet de loi. Ce dernier vise à apporter une plus-value dans la règlementation et la protection des dénonciateurs d’actes de corruption et de crimes économiques dans nos sociétés. Plusieurs acteurs de la société civile, des organes de presse d’investigations et des agents des structures étatiques ont participé à cet atelier.
Durant près de six heures, plus d’une trentaine de participants ont examiné point par point le texte de l’avant-projet de loi. Composé de 18 articles répartis en cinq chapitres, ce texte apporte sa pierre dans la lutte pour une meilleure protection des dénonciateurs d’actes de corruption et de crimes économiques, également appelés « lanceurs d’alertes ».
Les participants ont longuement débattu sur l’importance que la loi protège le lanceur d’alerte et même ses proches contre d’éventuelles représailles qu’ils pourraient subir. La définition du statut de lanceur d’alerte prévu à l’article 03 de l’avant-projet de loi a également fait couler beaucoup de salive dans le rang des acteurs de la justice, des défenseurs des droits de l’homme et des représentants des organes de presse d’investigation. Certains pensent que n’importe qui ne saurait être lanceur d’alerte compte tenu du caractère de bonne moralité et de grande responsabilité que ce statut entraîne.
« Est lanceur d’alerte toute personne qui révèle, signale, partage, relaie, diffuse de bonne foi des faits et des infractions assimilées, ou tout autre crime, délit, menace ou préjudice pour l’intérêt général, dont elle a connaissance de quelque manière que ce soit », tel est le contenu de l’article 03 de l’avant-projet. L’appréciation de la « bonne foi » est laissée au jugement de l’autorité judiciaire.
La question de compensation du dénonciateur à partir des sommes recouvrées grâce à son alerte a aussi posé débat. En effet, il est prévu à l’article 18, une prime pour celui qui a permis de mettre la main sur un crime économique. « Le lanceur d’alerte reçoit un pourcentage des sommes recouvrées à la suite du signalement des faits de corruption et d’infractions assimilées. Un arrêté du ministre en charge des finances précise le quantum de ce pourcentage », précise l’article.
La majorité des participants à l’atelier défend le fait que les lanceurs d’alerte risquent très souvent leur travail, leur liberté et même leur vie pour l’intérêt général. Et rien de mieux que de récompenser leurs efforts par un pourcentage des sommes recouvrées. Mais pour d’autres, cet argumentaire n’est pas recevable. Ils estiment que le lanceur d’alerte ne devrait pas avoir un intérêt particulier dans la dénonciation d’un acte de corruption. Ils renchérissent en soutenant que les lanceurs d’alertes pourraient se transformer en chasseurs de prime si jamais cet article est approuvé. Finalement, l’article est mis en réflexion afin de mieux l’examiner.
A la fin des échanges, le Secrétaire exécutif du REN-LAC, Sagado Nacanabo, s’est réjoui de l’intérêt porté sur le sujet. « Ça fait plaisir à voir que les principaux acteurs de la lutte contre la corruption s’investissent autant pour la protection des lanceurs d’alertes sans qui la lutte que nous menons serait difficile », s’est-il délecté.
La prochaine étape consistera à intégrer les amendements des uns et des autres et soumettre l’avant-projet de cette loi à l’appréciation de l’Assemblée législative de transition (ALT).