Après deux reports, le procès de « l’affaire Vincent Dabilgou », ancien ministre des Transports, s’est ouvert ce 20 mars 2023 au Tribunal de grande instance Ouaga 1. Suite à la lecture des charges retenues contre le prévenu, ses avocats se sont rapidement mobilisés pour soulever une exception. Selon eux, le Tribunal correctionnel n’est pas compétent pour statuer sur l’affaire en raison du statut d’ancien ministre de leur client. Pendant 5 heures, la défense et le parquet ont débattu à couteaux tirés de cette exception. A l’issue des débats, le Tribunal a renvoyé l’audience au 21 mars.
Appelé à la barre, Vincent Dabilgou s’est vu notifier les charges qui lui sont reprochées. Il s’agit de détournement de deniers publics, de blanchiment de capitaux et de financement occulte de parti politique. A la question de savoir s’il reconnaissait les faits, ce sont ses conseils qui ont répondu. « Nous n’entendons pas donner de réponse, nous voulons soulever l’exception d’incompétence », lance l’un des avocats au président du Tribunal. Pour les avocats de Vincent Dabilgou, la juridiction saisie est matériellement incompétente pour statuer sur l’affaire.
Selon la défense, l’article 138 de la Constitution burkinabè est assez clair. « La Haute Cour de justice est compétente pour juger les membres du gouvernement en raison des faits qualifiés de crimes ou délits commis dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions », affirme un avocat de la défense. Pour lui, cet article illustre parfaitement l’incompétence du Tribunal correctionnel à juger son client. « Si le parquet réussit à prouver que les faits qui lui sont reprochés ne relèvent pas de ses fonctions de ministre, alors nous sommes prêts à défendre le fond du dossier », renchérit un autre avocat.
« Nous n’allons pas nous associer à cette violation de la constitution. On ne va pas participer à ça ! Non ! C’est assez sérieux. La république se portera très mal si on s’inscrit dans un schéma de violation de la constitution », crie un avocat visiblement agacé de devoir plaider pour une requête assez évidente. « Seule la Haute Cour de justice est compétente pour juger Vincent Dabilgou», affirme-t-il.
Si le procureur a écouté silencieusement et religieusement les plaidoiries de la défense, c’est par contre avec de grands gestes qu’il a essayé de convaincre le président du Tribunal de la « mauvaise foi » des avocats de la défense. Donnant lecture de la dernière phrase de l’article 138 de la Constitution, le procureur estime que les avocats de la défense ont choisi délibérément d’omettre des détails importants du texte. « (…) Dans tous les autres cas, ils demeurent justiciables des juridictions de droit commun et des autres juridictions », a-t-il lu à haute et intelligible voix.
Se référant à la charge de financement occulte de parti politique, retenue contre l’ancien ministre, le procureur a posé une question : « Est-ce que dans ce cadre, il a agi en tant que ministre ? ». Puis sans perdre une seconde, il répond lui-même « Non ! Il a agi en tant que président du NTD (Nouveau Temps pour la Démocratie – NDLR). Il n’y a pas d’amalgame à faire », précise-t-il.
Pour le parquet, vouloir référer ce dossier à la Haute Cour de justice, c’est éviter la tenue du procès, car, selon le procureur, « cette Haute Cour de justice n’existe pas. Elle n’existe que de nom. S’il quitte cette juridiction, il n’aura pas l’occasion de se blanchir. Il fera l’objet d’une stigmatisation. Nous souhaitons qu’il puisse s’en sortir même s’il ne s’en sortira pas », affirme-t-il sous les rires du public présent dans la salle d’audience.
Après avoir écouté toutes les parties, le président a suspendu la séance. Le tribunal statuera sur sa compétence demain, 21 mars 2023.
Peut importe la cours qui va le juger s’il est coupable il sera condamné de toutes façons.