Les députés de l’Assemblée législative de transition ont approuvé, le 19 septembre, à l’unanimité, le projet de loi portant autorisation d’envoi d’un contingent militaire burkinabè au Niger. La durée de la mission est de 3 mois renouvelables. Cette décision soulève des opinions divergentes au sein des populations burkinabè. 24heures.bf a recueilli, à ce sujet, les avis de citoyens de la ville de Bobo-Dioulasso.
Emmanuël Sanogo est contractuel à la SN-CITEC. Il est pour le déploiement de soldats burkinabè au Niger. Selon lui, la CEDEAO n’est pas une organisation qui milite vraiment en faveur de ses États membres. « J’apprécie positivement cette décision de l’ALT, qui a donné son accord pour l’envoi d’un contingent militaire au Niger, en cas d’agression de la CEDEAO. De mon point de vue, la CEDEAO n’est plus une organisation fiable. Tout le monde voyait comment la situation sécuritaire du Niger était fortement dégradée. Cela était la preuve que le système ne marchait pas. Donc, le coup d’État est bien accueilli. Depuis que les militaires ont pris le pouvoir, on a l’impression que la situation s’améliore de jour en jour. Avec une coordination entre le Burkina, le Mali et le Niger, nous pouvons venir à bout du terrorisme. L’intervention militaire de la CEDEAO n’a pas de sens selon moi. C’est pourquoi je soutiens la décision de nos autorités qui veulent envoyer des soldats pour lutter contre le terrorisme et contrer d’éventuelles interventions militaires de cette organisation », affirme Emmanuël Sanogo.
Contrairement à lui, l’étudiante Aissatou Traoré n’est pas pour le déploiement de soldats burkinabè au Niger. « L’intervention militaire de la CEDEAO est nécessaire pour protéger la démocratie et les institutions », indique la jeune étudiante. Elle souligne que le peuple doit avoir le droit de choisir ses dirigeants et que les coups d’État ne devraient pas être tolérés. Elle soutient donc pleinement la CEDEAO dans sa démarche pour rétablir le président Bazoum dans son pouvoir légitime.
Selon Aly Warama, qui a souhaité garder simplement le titre de citoyen burkinabè, le déploiement de soldats burkinabè au Niger est une mauvaise décision. « En tant que citoyen burkinabè, c’est un plaisir d’être solidaire envers le peuple frère du Niger. Mais, je me pose une question que beaucoup de personnes se posent dans les zones à fort défi sécuritaire. Comment le gouvernement pourra-t-il expliquer à ces populations, que n’ayant pas pu libérer ces zones, il envoie un contingent pour aller défendre un autre pays? », questionne M. Warama. « Certains diront que le Burkina est dans son bon droit de défendre le Niger, car c’est une question existentielle pour le Burkina. On se dit que la majeure partie des terroristes vient du Niger. Mais pour moi, quoiqu’il en soit, il serait opportun de libérer le Burkina d’abord », affirme Aly Warama. Selon lui, un contingent burkinabè de tout au plus 1000 ou 1500 hommes, ne pourra pas forcément faire face à une troupe d’invasion de plus de 30 000 hommes de la CEDEAO. Pour M. Warama, le gouvernement a pris cette décision juste pour marquer sa solidarité au peuple et aux autorités nigériennes.
À l’opposé de Warama et de Traoré, Noufou Nébié est favorable au déploiement de militaires au Niger. Les intérêts du Burkina se jouent, dit-il, aussi au Niger. Il exprime des préoccupations quant à la menace d’intervention militaire de la CEDEAO. Il craint que cela n’aggrave la situation déjà fragile au Niger et provoque davantage de violences. Pour lui, des solutions diplomatiques et politiques devraient être privilégiées pour résoudre cette crise et la paix doit être la priorité absolue. Mais qu’à cela ne tienne, il est favorable à l’envoi du contingent militaire burkinabè si la CEDEAO persiste dans sa logique. À l’écouter, le Niger a décidé, en toute souveraineté, de s’assumer. « La preuve est que le coup d’État contre lequel proteste la CEDEAO, a été acclamé par la majorité des Nigériens ».
Cette vision est partagée par le couturier Abdoul Dramane Belem. « Selon moi, c’est une bonne idée que le Burkina Faso soutienne militairement le Niger. Un peuple doit travailler en droite ligne avec tous les peuples qui partagent les mêmes réalités que lui. Pour dire la vérité, la démocratie en Afrique ressemble plutôt à une monarchie. Certains présidents africains dirigent des pays comme si c’était leurs familles ». « Les soldats qui iront, ne partent pas seulement pour aider le Niger. En réalité, c’est le Burkina qu’ils défendent de façon indirecte. Les terroristes n’ont pas de frontières. Donc s’ils trouvent un abri au Niger, c’est une bombe à retardement pour le Burkina », précise M. Belem. Selon lui, avant le coup d’État de la junte, il y avait du flou au Niger. Il estime que ce flou est à présent levé car les autorités nigériennes ont décidé de rejoindre le camp du Burkina et du Mali, qui ont pris leur destin en main. « Les gouvernements démocratiques ont démontré leurs limites au Sahel dans la lutte contre le terrorisme. Si on prend le cas du Burkina Faso, depuis l’arrivée du Capitaine Ibrahim Traoré, on sent de l’amélioration dans la situation sécuritaire. Il y a quelques mois, même l’axe Ouagadougou – Bobo-Dioulasso commençait à être risqué. Maintenant, on peut voir beaucoup d’amélioration de ce côté. Alors qu’il y a des gouvernements démocratiques qui sont passés sans rien faire de bon », déclare M. Belem.
Selon lui, la CEDEAO n’est pas logique dans ses positions car depuis que le Niger est confronté au terrorisme, elle n’a jamais mobilisé de soldats pour secourir les populations nigériennes. « Mais si c’est pour rétablir un président qui ne fait rien de concret pour en finir avec le terrorisme, elle est prête à intervenir militairement. Cela suscite des interrogations », indique Abdoul Dramane Belem. La position de la CEDEAO est très « douteuse », dit-il.
Par Léandre Sosthène SOMBIE (A Bobo-Dioulasso)