Il y a 9 ans, des Burkinabè ont perdu la vie lors de manifestations qui se sont finalement généralisées à travers le pays : l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Ces événements, engendrés principalement par la volonté de l’ancien président Blaise Compaoré de modifier l’article 37 de la Constitution afin de « s’éterniser » au pouvoir, ont engendré une chute précipitée de ce dernier. Aujourd’hui, 31 octobre 2023, le pays rend hommage à ces personnes qui ont perdu la vie ou ont été blessées au cours de ces événements. La cérémonie organisée au « Monument aux Héros nationaux », à Ouagadougou, a été présidée par le chef de l’État, le Capitaine Ibrahim Traoré.
Une foule attend, ce 31 octobre, l’arrivée du Président Ibrahim Traoré au Monument aux Héros nationaux. Tantôt, une voix s’élève: » Capitaine ! », et la foule de répondre en chœur : « Traoré », « vive la Transition ». Certains tiennent des drapeaux burkinabè, russes ou nigériens. D’autres sont assis par terre, faute de places.
Des chants au rythme de sifflets annoncent l’arrivée des plus hautes autorités du pays. Quelques minutes après, le Chef de l’État effectue son arrivée. Les journalistes qui tentent de prendre quelques clichés du Capitaine Ibrahim Traoré sont vite recalés par les forces de l’ordre : c’est la bousculade. Une sirène au son mélancolique annonce une minute de silence en hommage aux victimes de l’insurrection populaire d’octobre 2014 et du coup d’État de septembre 2015. Puis, l’hymne national, le Ditanyè, qui signifie « Chant de victoire » en langue lobiri, est entonné.
Enfin le moment tant attendu : la phase du dépôt de gerbes au pied du monument. Quelques journalistes tentent, à nouveau, de s’approcher. Ils font des photos avant qu’une barrière artificielle ne soit érigée. La gerbe est déposée. La cérémonie est terminée !
Zopan Drabo est une victime du putsch manqué de septembre 2015. Il confie avoir reçu une balle à la tête et avoir, de justesse, échappé à la mort.
« J’étais en ville pour des courses. Sur le chemin du retour, nous avons été pourchassés par des hommes encagoulés. Je me suis retrouvé dans une cour. Les militaires sont entrés dans la cour et ont effectué des tirs. J’ai reçu une balle à la tête. Malgré la blessure, ils m’ont dit de me coucher sur le ventre. Et ils m’ont frappé. Ils ont ensuite pourchassé ceux qui étaient dans les maisons à l’intérieur de notre cour. Certains ont reçu des balles. J’ai pu me relever et franchir le mur. Le sang continuait de couler. Je me suis rendu au dispensaire avec l’aide d’autres personnes ».
Prise en charge
Zopan Drabo affirme avoir été pris en charge par un service de santé sans avoir à payer.
Il déclare aussi que lui et les autres victimes ont reçu par la suite une somme de 300 000 FCFA de la part de l’État burkinabè.
Sous le régime de la Transition dirigé par Michel Kafando, un élan de solidarité avait permis aux forces armées nationales de mobiliser une modeste somme de 15 000 FCFA pour chaque victime, confie-t-il. De même qu’une contribution de la Cédéao qui s’élève, selon lui, à 400 000 FCFA par victime.
Ousmane Ouédraogo, lui, est enseignant à la retraite. Ce jour-là, rappelle-t-il, « j’étais assis avec des camarades en train de discuter sur la situation nationale ». Cette discussion a mal tourné lorsque des militaires sont arrivés sur les lieux. Ousmane, tout comme Zopan Drabo, reçoit une balle à la tête. Il sera par la suite conduit par les sapeurs-pompiers dans un centre de santé pour des soins.
Certains blessés ou victimes de l’insurrection n’ont pas reçu d’aide de l’État. Mahamadou Derra, père de l’une des personnes tuées, en fait partie. Il est aujourd’hui âgé et se déplace à l’aide d’une canne. Le 30 octobre 2014, son fils a été fauché par une balle dans le quartier Ouaga 2000, à quelques encablures du Palais de Kossyam, ancienne présidence du Faso.
Transporté à l’hôpital, le garçon de 14 ans est mort à la fleur de l’âge. Selon Mahamadou Derra, son fils fait partie des personnes décorées à titre posthume. Mais depuis lors, la famille n’a rien reçu, dit-il.
« On m’a demandé d’apporter des documents (…), une procuration », explique-t-il avant d’ouvrir un sac contenant des documents et une photo du défunt.
Le président de Union des familles des Martyrs de l’Insurrection populaire des 30 et 31 Octobre 2014 (UFMIP), Victor Pouahoulabou, lui, exprime sa reconnaissance aux autorités. Il appelle aussi les Burkinabè à avancer en rang serré, condition sine qua non, selon lui, pour un retour à la paix au Faso.
Il espère tout de même qu’une aide sera, à nouveau, apportée aux blessés qui ne sont pas encore convenablement soignés. Un service technique a été créé, dit-il, pour s’occuper des doléances de l’ensemble des victimes du pays. Il espère des actes concrets à ce niveau.
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