
Session spéciale du pôle économique et financier (ECOFI) du Tribunal de grande instance, ce 18 avril, à Bobo-Dioulasso. A la barre, Mamary Coulibaly, chauffeur et mécanicien de son état. Il est poursuivi pour des faits “d’escroquerie et d’escroquerie aggravée”. Préjudice estimé à plus de 15 millions FCFA. Il écope de 5 ans de prison fermes. Il devra également payer une amende ferme de 3 millions de francs CFA. Le tribunal a aussi décerné, séance tenante, mandat de dépôt contre lui.
Il ressort de l’audience que Mamary Coulibaly se faisait passer pour un agent de sécurité. Il se présentait souvent comme policier ou gendarme. Souvent également comme agent des Eaux et Forêts ou militaire. Il arrivait ainsi à gagner la confiance de ses interlocuteurs. Il proposait à certains de les aider à acquérir des parcelles. Sa petite phrase fétiche : lui, Mamary Coulibaly faisait partie, dit-il, des privilégiés en matière d’attribution de parcelles au Burkina.
Il faisait aussi croire à ses interlocuteurs qu’il avait de bonnes relations avec les autorités de la commune de Bobo-Dioulasso. Mais aussi de Dandé. Notamment les présidents de délégations spéciales, les haut-commissaires et bien d’autres personnalités. Et qu’avec ses connaissances, il pouvait les aider à avoir des parcelles. En contrepartie, ceux qui étaient intéressés devaient fournir les copies de leurs pièces d’identité. Et lui verser de l’argent. Les fonds devaient lui permettre, selon lui, “d’entamer le processus d’attribution des parcelles”. Les montants reçus oscillaient entre 75 000 FCFA et 125 000 francs. Il recevait en plus, dans certains cas, des montants supplémentaires. Cela était destiné, selon lui, à “remercier les autorités municipales”. Et il servait ce discours à ses potentielles victimes
Le manège ne se limite pas là. Cet homme, la cinquantaine révolue, se faisait passer pour le “bras droit” du directeur régional de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation des Hauts-Bassins. Il faisait ainsi croire à des enseignants vivant hors de Bobo-Dioulasso, qu’il pouvait les aider à obtenir une affectation à Bobo. Et pour cela, il fallait lui verser de l’argent. Face aux juges, il affirme avoir reçu, à ce sujet, 50 000 FCFA d’une enseignante qu’il venait ainsi d’escroquer.
Et vous croyez que c’est tout ? Non ! Il jetait aussi son devolu sur les jeunes. Il leur promettait de l’emploi. Des paroles mieilleuses qui ont finalement convaincu plusieurs d’entre eux. Une fois qu’il vous a dans son escarcelle, il vous dit de réunir les pieces de votre dossier. Il vous incitait également à payer entre 15 000 et 55 000 FCFA.
L’homme aux multiples casquette se présentait aussi comme “éleveur professionnel”. Il avait réussi à faire du “réseautage”. Du coup, il était en contact avec plusieurs éleveurs. Il leur promettait de les aider à avoir du bétail : boeufs, moutons, chèvres. Mais aussi de la volaille. Et pour cela, il fallait aussi verser de l’argent. Mais au bout du rouleau, la déception était grande pour ses interlocuteurs. Les promesses étaient trop belles pour être vraies et pour être traduites sans le champ de la réalité.
C’était donc trop tard. Mamary Coulibaly, avait reussi, selon les estimations présentées à l’audience, à soutirer au total 15 425 750 FCFA.
19 plaignants dans ce dossier. Chacun affirme lui avoir remis entre 15 000 FCFA et 5 millions FCFA.
Trois des plaignants étaient effectivement présents à l’audience ce vendredi.
Selon le dossier issu de l’enquête préliminaire, présenté à l’audience, Mamary Coulibaly aurait rencontré une de ses potentielles victimes, Sylvie Traoré, dans une alimentation à Bobo-Dioulasso. Il s’est présenté comme étant le Chef de la brigade de gendarmerie de Koundoungou, commune située dans la province du Houet. Par la suite, naîtra une relation d’amour entre eux. Ils finissent par devenir des partenaires d’affaires.
“Un jour, il est venu me rendre visite. Et il m’a dit qu’il avait des parcelles “vides”, donc sans construction, à Kiri, dans le secteur 23 de la ville de Bobo-Dioulasso”, relate le tribunal, reprenant ainsi le témoignage de Sylvie Traoré contenu dans le procès-verbal d’enquête préliminaire. “Il m’a dit qu’un de ses collègues gendarmes est tombé au front. Et que la femme de ce dernier voulait vendre sa maison inachevée”. Sylvie Traoré avait déjà une parcelle qu’elle avait achetée à 3 millions FCFA. Elle va alors confier cette parcelle à Mamary Coulibaly. Elle lui demande de la vendre afin quelle puisse acheter la maison inachevée qui était, à ses yeux, une bonne affaire. Du moins si l’on s’en tient à la manière dont Mamary Coulibaly lui a présenté la situation. Elle lui ajoute même un supplément de 2 millions 800 mille FCFA pour l’achat de la maison inachevée. Mais au finish, grosse déception pour la jeune dame.
Déception également pour Amidou Saaba qui, lui aussi, finira par tomber dans le piège. Mamary Coulibaly lui fait croire qu’il est gendarme à la brigade de recherches de Dandé, dans la province du Houet. “Il a promis de m’aider à avoir deux parcelles à Dandé. Et je devrais débourser la somme de 400 000 FCFA pour chaque parcelle”, explique M. Saaba à la barre. Et il ajoute ceci : “Il m’a convaincu qu’un lotissement était en cours dans la commune. Et m’a proposé de lui envoyer les copies de deux cartes nationales d’identité et une première tranche de 400 000 FCFA. Je lui ai tout envoyé”. “Quand j’ai voulu réclamer mes parcelles, il m’a dit de patienter. Il m’envoyait des vidéos dans lesquelles il était en tenue militaire. Et il me disait qu’il était en mission au front”.
Coulibaly lui aurait par la suite proposé d’ajouter 3 millions FCFA afin d’obtenir une parcelle à Matourkou, commune située à quelques encablures de la ville de Bobo-Dioulasso. “Je lui ai remis 2 millions 500 mille FCFA. Et il restait 100 000 francs à solder. Le jour où je devais visiter le terrain, la police m’a appelé pour me dire que le gars est un escroc”, affirme-t-il.
Troisième victime a la barre : Ali Kindo. Il avait besoin de deux taureaux pour ses travaux champêtres. Mamary Coulibaly, qui semble avoir solution à tout, lui fait, là aussi, une promesse. Il est capable de l’aider à en avoir. “Il m’a dit que son ami voulait vendre ses boeufs. Et qu’il allait m’aider à les acheter. Je lui ai donc envoyé 200 000 FCFA. Jusqu’à présent, je n’ai pas vu les boeufs”, déplore-t-il.
Le présumé escroc, appelé à la barre, reconnaît les faits. Il explique s’être adonné à ces pratiques frauduleuses afin de subvenir aux besoins de sa famille. “J’ai utilisé l’argent pour payer une des sessions de formation pour ma femme. Et je lui ai acheté une moto”, affirme-t-il. “J’ai aussi soutenu ma fille qui était à l’université. Elle avait trop de difficultés”.
Selon le tribunal, les faits se sont déroulés entre 2021 et 2022. Mamary Coulibaly a été arrêté le 15 août 2022. Pour des raisons de santé, il avait bénéficié d’une liberté provisoire le 29 août 2023. Avant de comparaître à la barre ce 18 avril.
Le procureur estime que les faits qui lui sont reprochés sont caractérisés. Et il cite l’article 613-1 du Code pénal : “Est coupable d’escroquerie quiconque fait usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit en abusant d’une qualité vraie, soit en employant des
manœuvres frauduleuses pour tromper une personne physique ou morale et la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’autrui, à remettre des fonds, des valeurs, des données informatiques ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge”.
Il demande ainsi au tribunal de “ne pas avoir de sentiments” pour Mamary Coulibaly. Car, dit-il, ” les procédés auxquels il a eu recours sont sadiques”. “Il a saboté l’image des agents de sécurité au Burkina. Ce qui peut porter préjudice à la confiance de la population vis-à-vis des Forces de défense et de sécurité”, ajoute le ministère public. Il a alors requis une peine d’emprisonnement ferme de 10 ans contre Mamary Coulibaly. Et demandé au tribunal de le condamner à payer une amende ferme de 15 millions de francs CFA.
Le “marteau” du tribunal va finalement tranché. Mamary Coulibaly est condamné à cinq ans de prison fermes. Il doit également payer une amende ferme de trois millions FCFA. Le tribunal a aussi décerné, séance tenante, mandat de dépôt contre lui.