Dans la capitale burkinabè, se développent des sites improvisés de déplacés qui ont fui les zones d’insécurité. A Kalgondin, un quartier de Ouagadougou, une centaine de Personnes déplacées internes (PDI) s’est installée le long de la clôture de l’aéroport. Pour plusieurs observateurs, ce site qui abrite des PDI non répertoriés dans une zone aussi sensible, à proximité de l’aéroport, pourrait poser un problème de sécurité nationale.
Des centaines de familles venues principalement de Gorom-Gorom, de Djibo et de Dori y ont trouvé ce que l’on peut appeler un toit pour s’abriter et fuir les exactions terroristes dans leurs localités d’origine. Ce site improvisé n’est pas le seul à Ouagadougou. Les quartiers Pazani, Nagrin, Saaba et Karpala abritent également des sites improvisés de déplacés.
Question de sécurité nationale
Sur ces sites improvisés, ils sont nombreux à vivre dans des habitations de fortune, fabriquées à l’aide de tiges de mil, de pailles et de sachets plastiques. D’autres, de retour de la ville après une dure journée de mendicité, se couchent à même le sol pour rêver d’un meilleur lendemain. Non répertoriés par les autorités, les occupants de ces sites improvisés ne reçoivent pas de prise en charge humanitaire.
Ces sites de fortune, selon plusieurs observateurs, sont de potentiels nids de refuge de présumés terroristes ou de leur informateur. Situé le long de la clôture de l’aéroport, le site improvisé de Kalgondin présente un risque plus élevé. En effet, l’aéroport international de Ouagadougou abrite la base aérienne de l’armée de l’air qui joue un rôle important dans la lutte anti-terroriste.
Depuis ce site de fortune, il est possible de voir la piste d’atterrissage de l’aéroport par-dessus le mur de la clôture pas si haut. Un guetteur au profit d’un groupe terroriste ou une structure étrangère de renseignements pourrait donc y voir, non seulement, tout le trafic aérien au Burkina Faso, mais aussi le mouvement des hélicoptères militaires.
Des familles laissées pour compte
Composée de 26 membres dont 15 enfants de moins de 15 ans, de huit femmes et trois hommes adultes, la famille Ibrahim est déplacée interne à Ouagadougou depuis maintenant deux ans. Elle a fui la ville de Gorom-Gorom dans la région du Sahel pour se retrouver à Kaya.
« Quand nous sommes arrivés à Kaya, nous n’avions pas de lieu où dormir. Nous avons passé quelques jours sans toit dans le froid. Ayant des enfants avec nous, c’était très compliqué », raconte le chef de famille, Ahmadou Ibrahim. N’ayant aucune alternative face à cette situation, ils décident de se diriger vers la capitale où ils espèrent trouver plus de sécurité.
Ils débarquent ainsi à Ouagadougou en janvier 2021. Dans cette ville, ils arrivent tant bien que mal à trouver un gîte avec un loyer de 10 mille francs par mois. « Nous avons négocié avec le propriétaire afin qu’ils nous allègent la charge, ne serait-ce qu’en diminuant le coût du loyer, mais il a été catégorique. Et depuis ces deux ans, pas un seul franc n’a été déduit du loyer », se lamente-t-il. Ainsi, chaque fin de mois, la famille Ibrahim doit débourser une somme de 40 mille francs CFA si elle veut continuer à avoir un toit.
En général, ce sont les femmes et les enfants qui ramènent un peu d’argent après avoir risqué leur vie en mendiant au bord des voies. Cela leur permet d’acheter de la nourriture . La plupart des hommes restent à la maison et font de petits commerces comme la vente de cigarettes. C’est d’ailleurs la principale activité d’Ahmadou Ibrahim.
Tensions entre les communautés
Les tensions qui règnent entre les communautés présentes sur le site font que le partage de vivres offerts par certaines ONG n’est pas toujours évident. En effet, ces crises intestines n’arrangent en rien leur situation qui est déjà déplorable. Le partage se fait alors par communauté pour éviter des affrontements.
N’ayant aucune prise en charge, si l’un d’entre eux tombe malade, ils essayent généralement la pharmacopée. Quand cela ne fonctionne pas, ils se résolvent à aller dans un centre de santé où très souvent, ils n’arrivent ni à payer la consultation, encore moins à honorer les ordonnances prescrites.
« Quand nous arrivons dans les centres de santé, on nous traite comme vous (les personnes pouvant honorer les frais de soins – NDLR). Nous sommes obligés de cotiser les maigres sous que nous avons eu dans la mendicité pour sauver la vie de l’un d’entre nous », s’indigne Mahamad Ag Al Moustapha, responsable de l’une des communautés présentes sur ce site.
Ahmadou Ibrahim dit être en sécurité avec sa famille depuis son arrivée à Ouagadougou. Leur besoin primordial est la nourriture. A notre arrivée sur le site, il ne restait qu’une assiette de riz pour nourrir les 26 personnes présentes dans la concession où se trouve Ibrahim. « Nous, les adultes, pouvons supporter la faim. Mais les enfants, eux, ne le peuvent pas. Quand ils pleurent de faim, nous sommes obligés de tout faire pour leur trouver à manger », révèle-t-il.
Ils souhaitent que les autorités leur permettent de bénéficier de la même prise en charge que les autres personnes déplacées internes dans les autres villes. Leur souhait le plus cher, regagner le bercail après la victoire des FDS sur les forces du mal.