Un audio, diffusé en juin dernier sur les réseaux sociaux, a fait croire que le chef, « dima » de Ouargaye avait été arrêté dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Ce 12 septembre, à la barre du Tribunal de grande instance Ouaga 1, se trouvent les auteurs de l’audio et de sa diffusion sur les réseaux sociaux. Il s’agit de K.E. Nikiema et M. Sinaré. Ils sont poursuivis pour diffamation aggravée, atteinte à la considération et à l’honneur, et atteinte à la vie privée, au préjudice du chef de Ouargaye, Passoukwendé Zombré. Ils ont été condamnés à une peine d’emprisonnement de 12 mois dont 6 fermes et à payer une amende de 1 million de francs CFA.
Devant les juges du TGI Ouaga 1, les prévenus reconnaissent sans ambages les faits. K.E. Nikièma reçoit, un soir, un message évoquant l’arrestation du chef de Ouargaye. « J’ai reçu un message, une image disant que le chef est dans les mains des FDS. J’ai partagé le message avec Moumouni Sinaré. Le lendemain matin, j’ai appris que l’information était fausse et j’ai automatiquement supprimé le message », déclare-t-il. M. Sinaré, après avoir reçu l’image, demande à son coprévenu de lui faire un audio car il ne comprenait pas très bien l’image en question. K.E. Nikiema fait effectivement l’audio en prenant le soin d’expliquer l’image. M. Sinaré va alors partager le message dans un groupe whatsapp intitulé « Coalition Burkina-Russie ». Et c’est là que les rumeurs prennent une grave ampleur.
Pour le chef de Ouargaye, les choses se passent autrement. « Un soir, on m’a appelé et on m’a dit d’ouvrir mon whatsapp. Qu’il y a une image me concernant, qu’on dit que je suis chef terroriste et que les FDS (Forces de défense et de sécurité, Ndlr) m’ont pris. J’ai rendu compte à ma hiérarchie (le ministère de la Sécurité) et j’ai déposé plainte au niveau de la Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité. Plus tard, un monsieur m’a appelé de la part d’un enseignant qui voulait me demander pardon. J’ai dit « non, laissez la justice faire son travail ». Ce sont des gens qui ont décidé de ternir mon image. Aujourd’hui, c’est un grand jour pour qu’on sache la vérité », raconte le chef de Ouargaye à la barre.
Pour lui, des gens en veulent à son pouvoir : « Je veux savoir s’il y a des commanditaires ou pas. Jusqu’à présent, je ne comprends pas. Cela a terni mon image. Je suis un chef coutumier. Tout le royaume est malade » indique-t-il avant de dire à la délégation qui l’accompagne de se tenir debout. Le chef de Ouargaye accorde son pardon aux prévenus. « Ce sont mes frères. Pardonnez-les parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font. Ce sont des actes qu’on ne pose pas. Mais au nom du royaume de Ouargaye, je vous demande, monsieur le président, de leur pardonner. Je demande pardon pour la paix de ce pays », déclare-t-il sous les applaudissements de l’assistance.
Au titre des dommages et intérêts, il demande un franc symbolique.
Réquisitions
« Nous avons l’impression que les réseaux sociaux servent à nuire ou à ternir l’image des autres. Il faut que ce procès serve de leçon » entame, d’emblée, le procureur. Pour lui, les faits sont très graves.
Il demande au tribunal de déclarer coupables les prévenus des faits qui leur sont reprochés. Il requiert une peine de 12 mois dont 6 fermes et une amende de deux millions ferme contre chacun des deux prévenus.
« Pardonnez-leur, monsieur le président ! »
L’avocate des prévenus, Me Kanyili, s’oppose fermement aux réquisitions du procureur. « Monsieur Nikiema a dit que nous sommes dans un contexte sécuritaire difficile. Quand il a vu l’information, il s’est dit que c’était un exploit réalisé par nos FDS. C’est ce qui l’a motivé à partager l’information. Quand il s’est rendu compte de son erreur, il a délégué des personnes plus âgées pour demander pardon à la victime qui a dit que l’affaire est aux mains de la justice », déclare-t-elle.
Elle demande le sursis pour ses clients car ils n’ont jamais fait l’objet de condamnation. « La victime a pardonné et vous a demandé de les pardonner. Pardonnez-leur, monsieur le président ! Je sollicite qu’il plaise à votre juridiction d’accorder le sursis aux prévenus », plaide l’avocate.
Les prévenus se sont confondus en excuse auprès du chef de Ouargaye.
« Je demande sincèrement pardon au chef, à sa famille, ses enfants, toute sa communauté. Je suis instituteur. Je regrette beaucoup et je demande sincèrement pardon à sa Majesté », a déclaré le prévenu K.E.Nikiema.
Après avoir écouté toutes les parties, le tribunal a décidé de déclarer coupables les prévenus des faits qui leurs sont reprochés. Il condamne chacun d’eux à une peine d’emprisonnement de 12 mois dont 6 fermes et à payer une amende de 1 million FCFA. Il décerne un mandat de dépôt à leur encontre et les condamne au dépens.