Les avocats de la défense ont demandé au tribunal le respect des libertés fondamentales de leurs clients. Notamment la liberté d’opinion et d’expression, la liberté d’aller et venir, et la liberté de ne pas être soumis à la torture. A l’issue des débats, les juges ont décidé de suspendre les ordres de réquisitions.
Pour les avocats des requérants, la raison qui a prévalu à la prise des réquisitions est connue. Il s’agit du meeting “du 31 octobre”, initialement prévu par des organisations syndicales et de la société civile. Pour Me Guy Hervé Kam, des menaces étatiques et privées ont été lancées à l’encontre des organisateurs du meeting.
“Au titre des menaces privées, on a aiguisé des machettes pour découper tous ceux qui oseraient manifester. Au titre des menaces étatiques, le président de la transition a clairement déclaré, concernant l’affaire Arouna Louré : “Vous dites que ce n’est pas le rôle d’un médecin d’aller au front. Est-ce que le rôle d’un médecin, c’est de critiquer?”.
Me Kam estime que ces faits constituent une atteinte à la liberté d’opinion.
“La liberté d’opinion est un droit indérogeable.Toute atteinte à cette liberté est un délit grave”, dit-il.
“Pourquoi vous évoquer le droit de ne pas être soumis à la torture?”, demande la présidente du tribunal.
“La torture désigne l’acte par lequel une douleur ou des souffrances physiques ou mentales sont infligées”, définit Me Prosper Farama
“Être réquisitionné dans le but de vous punir ou de vous intimider pour qu’il n’y ai pas une prise de position contraire peut vous procurer une souffrance morale”, renchérit Me Kam.
Ils prennent l’exemple du Dr Daouda Diallo, Secrétaire général du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés au Burkina Faso (CISC). Il a été enlevé le 1er décembre. Ses images en tenue militaire circulent depuis quelques heures sur les réseaux sociaux.
“La publication d’une telle image est un traitement inhumain et dégradant”, disent-ils.
Ces réquisitions sont-elles illégales ?
Pour les avocats des requérants, les actes de réquisitions portent atteinte aux libertés de leurs clients et sont “manifestement illégales”.
“Les actes sont illégales lorsque les motifs qui ont conduit l’administration à agir sont insuffisants ou font défaut”, affirme Me Guy Hervé Kam.
Il rappelle l’article 7 du décret portant création d’un Commandement des Opérations du Théâtre national (COTN) qui stipule que “le commandant du COTN peut réquisitionner les services, les personnes et les biens nécessaires à la conduite des opérations”.
“Il est bien écrit qu’on peut réquisitionner en cas de nécessité. Qu’on nous dise où est la nécessité. Qu’est ce qui justifie que Bassirou Badjo soit réquisitionné et non l’imminent AJE Karfa Gnanou?” dit-il en pointant du doigt l’AJE, sous les rires de l’assistance.
“Le caractère grave n’est pas caractérisé”
Pour l’agent judiciaire de l’Etat, Karfa Gnanou, le caractère grave exposé par les avocats des requérants n’est pas caractérisé.
“Les réquisitionnés sont partis chercher leurs réquisitions eux-mêmes et n’ont pas été inquiétés. Le caractère grave n’est pas caractérisé”, dit-il.
Concernant la liberté d’aller et venir, l’AJE affirme, sous les rires de l’assistance, qu’au front, “on peut aller et venir. Il y a la possibilité de se mouvoir”.
Me Kam de protester en affirmant que “la liberté d’aller et venir, c’est d’aller où on veut quand on veut”.
A propos du “caractère illégal” des réquisitions exposé par les avocats des requérants, l’AJE proteste.
Pour lui, les actes de réquisitions sont légaux car “ils sont prévus par le législateur”.
Karfa Gnanou demande au tribunal de se déclarer incompétent à prononcer une décision, de rejeter la requête des requérants comme étant mal fondée et de les condamner à payer les frais non compris les dépens
Décision
Statuant en référé, le tribunal rejette l’exception d’incompétence matérielle soulevée par l’AJE, déclare recevable la demande des requérants, fait droit à leur demande, déclare que les ordres de réquisitions ne visent ni la sécurisation du territoire ni le maintien de l’ordre et dit qu’ils sont illégaux.
Le tribunal ordonne donc la suspension des réquisitions de Issaka Lingani, Bassirou Badjo et Rasmané Zidnaba.
Il ordonne au COTN de renoncer au déploiement des requérants.
L’Etat a la possibilité de faire appel