Dans une note adressée à “tout avocat du Barreau du Burkina”, consultée par 24heures.bf, le Bâtonnier de l’Ordre des avocats, Siaka Niamba, annonce un arrêt de travail. Cette décision fait suite aux recommandations de l’assemblée générale extraordinaire tenue ce 3 juin à la Maison de l’Avocat, à Ouagadougou. La mesure s’étend sur la période du 4 au 8 juin 2024 inclus.
Trois revendications sont mentionnées dans la note.
Il s’agit du “respect des règles régissant la procédure pénale au Burkina à l’égard de toute personne mise en cause”. Mais également de l’application de l’article 6 du Règlement N°05/CM/UEMOA du 25 septembre 2014. Cette disposition est relative à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA.
Autre point de revendication : le respect des décisions de justice par l’État à l’égard de “toute personne”.
“Sans ces impératifs, notre mission et celles de l’État de droit sont vaines”, indique le Bâtonnier.
Il invite par ailleurs les avocats, au cours de cette période, à s’abstenir d’occuper ou de participer aux audiences devant toutes les juridictions sans exception. Ainsi que les organismes à caractère juridictionnel.
“Le Conseil attache du prix au strict respect de cette décision”, précise la note.
Interrogé sur le sujet, le Bâtonnier Niamba affirme que l’“affaire Me Guy Hervé Kam” est un exemple parmi tant d’autres dont les décisions de justice n’ayant pas été exécutées par l’État burkinabè.
Me Guy Hervé Kam a été interpellé le 24 janvier dernier à Ouagadougou. Le tribunal administratif de Ouagadougou, dans sa décision du 7 mars, avait ordonné la “libération immédiate” de l’avocat. Cette décision sera confirmée le 23 avril 2024 par la Cour administrative d’appel, statuant en dernier ressort. Toutefois, l’Etat ne s’est pas exécuté.
L’Assemblée générale s’est penché sur “la violation des droits humains au Burkina depuis un certain temps”, affirme le Bâtonnier.
Concernant l’arrêt du travail, il s’agit, selon lui, d’une décision “pour faire entendre notre voix, pour interpeller nos autorités et les amener à respecter et à faire respecter nos textes de loi”.
“Nous pensons qu’avec une telle action, les autorités seront attentives à nos préoccupations qui, en réalité, sont les préoccupations de tous les Burkinabè. Nous ne demandons rien d’autre que le respect des textes. Le respect des textes, c’est une sécurité et une sûreté pour tout Burkinabè”, a-t-il déclaré.
Et d’ajouter ceci : “Lorsqu’on vous reproche quelque chose, qu’on vous interpelle dans les règles prévues en la matière, que si vous devez être détenu, que vous soyez détenu dans les règles prévues par le code de procédure pénale. Que si vous devez être jugé, que vous soyez jugé dans le respect des droits de la défense. C’est cela que nous demandons et rien de plus”.
Il ne s’agit pas, selon lui, de soustraire qui que ce soit d’une procédure judiciaire. Mais de demander le respect des textes en vigueur.
“Aujourd’hui, c’est Me Kam, demain, ça peut être moi, ça peut être vous, ça peut être tous les citoyens de ce pays. Quand vous lisez nos déclarations, vous verrez que nous parlons de tout le monde. Nous parlons du respect des droits humains. Le respect des droits humains, ça ne concerne pas les avocats uniquement.
C’est tout le monde, tout humain. Notre lutte aujourd’hui, ce n’est pas seulement pour Guy Hervé Kam. Et nous l’avons dit depuis le départ”, a-t-il expliqué.
Selon lui, la situation sécuritaire ne saurait être une raison pour “bafouer les droits des citoyens”.
“Si on veut, qu’on abroge tout ce qui est droit régissant la vie dans ce pays, on se soumettra alors à toutes sortes de décisions. Mais tant que ces lois existent, il faut les respecter. Et comme je l’ai dit, c’est gage de sécurité pour tous. Vous savez, aujourd’hui, on est victime. Mais demain, peut-être que ceux qui créent les victimes peuvent aussi se retrouver à la même place. C’est pour cela que la loi, comme on le dit, est impersonnelle et elle est générale. Ce n’est pas fait pour une catégorie de personnes. Donc, faisons l’effort simplement, et c’est la chose la plus facile à mon avis, de respecter les lois de ce pays. Et si on n’en veut pas, qu’on abroge tout. Là, personne ne se plaindra. C’est aussi simple que ça”.
Les avocats entendent ainsi “poursuivre la lutte” jusqu’à ce que leur voix soit entendue.
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