1923 – 2023. Sembène Ousmane, l’homme aux multiples casquettes aurait eu 100 ans si la mort ne l’avait pas arraché à l’affection des siens. Surnommé affectueusement par ses pairs et ses inconditionnels fans, « l’ainé des anciens », il laisse au Burkina Faso le souvenir d’un homme farouchement engagé dans la promotion du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO). Un hommage lui a été rendu ce 26 février 2023, à l’occasion de la 28ᵉ édition du festival.
Sa première participation au festival remonte à 1969, date de sa création. Sembène Ousmane est invité par les fondateurs de la Semaine du Cinéma africain, actuel FESPACO. Séduit par l’esprit et l’objectif du festival, il joue un rôle très important au sein de l’organisation à partir de 1970, et participe à son envol au plan international. Pour rendre hommage à sa contribution au FESPACO, son buste a été dévoilé dans la matinée de ce dimanche 26 février 2023 dans l’enceinte du siège FESPACO.
Homme de lettres et de culture, homme politique passionné du septième art, Sembène Ousmane ne manquait aucune édition du FESPACO jusqu’à sa mort en 2007. Soucieux de faire valoir les mérites des jeunes cinéastes, il refuse de participer aux compétitions. Aucun des films de sa carrière cinématographique, riche d’une quinzaine d’œuvres, ne s’est retrouvé en lice pour le prestigieux « Étalon d’or de Yennenga ».
Une carrière cinématographique riche et tumultueuse
Grosse pipe au coin des lèvres, casquette de marin, besace en bandoulière, silencieux et rigoureux, telles sont ses caractéristiques. Ses films ont la particularité de porter la griffe d’un cinéaste engagé qui évoque les thèmes de la politique, de la religion, du social… Les plus emblématiques sont « Le mandat » en 1968, « Ceddo » en 1977 et « Le Camp de thiaroye » en 1988 co-réalisé avec Thierno Faty Sow.
Les films de Sembène Ousmane ont la particularité de ne pas faire l’unanimité. En 1979, « Ceddo » est interdit au Sénégal par le président Léopold Sédar Senghor. Raison officielle avancée : une erreur d’orthographe sur le titre du film. Pour les autorités sénégalaises, « Ceddo » devrait s’écrire avec un seul « d ». Mais la véritable raison de la censure est un secret de polichinelle. « Ceddo » est un film politique qui montre la résistance populaire face à l’oppression religieuse. Ne voulant pas s’attirer les foudres des autorités religieuses de l’époque, Senghor censure alors l’œuvre.
« Le camp de Thiaroye » évoque le massacre des tirailleurs à Thiaroye. Il est censuré en France pendant 10 ans et au Sénégal durant 03 ans.
Hommage et distinction…
Vu la place prépondérante de Sembène Ousmane dans la promotion du FESPACO, plusieurs hommages lui ont été rendus. La chambre n°1 à l’hôtel Indépendance dans laquelle il séjournait à chaque passage au FESPACO porte désormais son nom. Une avenue à Ouaga 2000 a été baptisée en son nom. Il a un centre de conférences qui lui est dédié. Sa statue de bronze trône fièrement dans l’allée des cinéastes depuis 2009.
Sembène Ousmane a certes tiré son clap de fin, mais le souvenir qu’il laisse est poignant et ses œuvres continuent d’inspirer les amoureux de septième art.