Qui pour porter les aspirations de développement de la région des Hauts-Bassins lors des prochaines élections ? Difficile de répondre à cette question au moment où l’offre politique semble être à son plus bas niveau, dans cette partie du Burkina, depuis la fin des années 90. Les challenges politiques entre le trio bobolais des années 2000, Salia Sanou, Alfred Sanou et Célestin Boyo Koussoubé, relèvent-ils aujourd’hui du passé ? Retour sur une rivalité qui a marqué la vie politique de cette région et dont la fin annoncée suscite des interrogations.
La vie politique de la Côte d’Ivoire depuis le début des années 2000 rime avec trois noms : Alassane Dramane Ouattara, Laurent Koudou Gbagbo et Henry Konan Bédié. Des « phœnix » qui impactent la vie des Ivoiriens. Leurs amitiés ou inimités ont toujours eu des incidences sur la République.
A 800 kilomètres d’Abidjan, dans la capitale économique du Burkina, il semble y avoir une sorte de représentation en miniature de ce trio. A Bobo-Dioulasso, ils ont pour noms Célestin Boyo Koussoubé, Alfred Sanou et Salia Sanou.
Les trois ont été députés à l’Assemblée nationale, maires de la commune de Bobo et deux d’entre eux ont dirigé le Conseil régional des Hauts-Bassins. Affaiblis par le poids de l’âge, les « vieux » peuvent regarder derrière eux, même si certains d’entre eux pensent encore avoir des cartes à jouer.
Les piques de leurs batailles ont, par moment, donné lieu à des périodes de frissons, d’affrontements. Pendant longtemps chevaliers de la même écurie politique au Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), les trois hommes politiques peuvent se targuer d’avoir eu une vie politique fournie.
Célestin Boyo Koussoubé, 81 ans, maire de la commune de Bobo-Dioulasso (2000-2005), avec son parti le CDP, député à l’Assemblée nationale (2012-2014) avec l’ADF-RDA, président du Conseil régional des Hauts-Bassins (2016-2022), avec le MPP et proche de l’ex-président Roch March Christian Kabore est celui qui semblait inoxydable.
Si sa gestion de ce qui est devenu l’arrondissement n°7 de Bobo-Dioulasso fait polémique, son passage à la commune de Bobo-Dioulasso est encore mémorable. Venu après un duel électoral intense, marqué par des affrontements entre militants, le « vieux » a eu la « baraka » de mener un mandat jugé honorable par l’administration communale et par une grande partie de la population. Son passage à la mairie a été marqué par les grands travaux, notamment au niveau des canalisations.
La lutte et les querelles internes de l’époque au sein du CDP lui ont coûté un second mandat. Ce qui le pousse à la porte. Pour rebondir, il dépose ses valises politiques au sein du parti de l’Eléphant : l’ADF-RDA. Là encore, Koussoubé profite de son assise politique dans la région des Hauts-Bassins pour s’ouvrir les portes de l’Assemblée nationale suite aux législatives de 2012.
Député sous la bannière ADF-RDA, son aventure avec ce parti prend un coup d’arrêt avec l’insurrection populaire de 2014. Koussoubé, militant de l’ADF-RDA, n’était pas favorable à la modification de l’article 37. Mais il n’a pas eu le courage politique ou l’opportunité de rendre publique sa position et se démarquer ainsi de la position de la direction de son parti. A l’époque, il a tenté de faire une déclaration par voie de presse pour se démarquer du soutien de son parti à la modification de l’article 37. Avait-il finalement renoncé ? La conférence de presse sur cette affaire n’a jamais eu lieu. Ce qui n’a pas empêché Célestin Boyo Koussoubé de continuer sa vie politique. Mais il a tout de même fini par prendre ses distances avec l’ADF-RDA.
Et cette fois, il rejoint le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), formation politique créée par ses anciens camarades du CDP, dont Roch March Christian Kabore, alors candidat à la présidentielle, et dont il est très proche. Grâce à ce revirement politique, Célestin Boyo Koussoubé aura la chance d’avoir un autre mandat, et de faire son retour dans une collectivité territoriale. A la tête du Conseil régional des Hauts-Bassins à 73 ans passés en 2016, l’homme n’aura pas l’impact escompté. Son dynamisme émoussé par le poids de l’âge ouvrira la porte à un laxisme dans la gestion. Sous sa gestion en effet, certains de ses collaborateurs se sont révélés par un affairisme débordant. A 81 ans et avec une santé de plus en plus fragile, c’est donc l’heure du bilan d’un homme qui a pratiquement vécu tous les évènements politiques dans la région des Hauts-Bassins. Inoxydable.
Dr Alfred Sanou, le goût d’un rêve inachevé ?
En 2012, l’ancien maire de la commune de Bobo-Dioulasso avait une idée claire de son engagement politique. Servir sa région. Après avoir renoncé à tout mandat de député, le pharmacien de profession a atterri à la tête du Conseil régional des Hauts-Bassins.
2012 à Bobo-Dioulasso, c’était aussi la période d’un tandem improbable. Les frères ennemis conduisaient simultanément les mandats les plus importants dans les collectivités. Salia Sanou à la Commune et Alfred Sanou à la tête du Conseil régional des Hauts-Bassins.
Ce qui a donné lieu à quelques tensions. On se souvient encore du célèbre article de nos confrères de l’Express du Faso, « Qui cherche la bouche de qui ? » pour parler des embrouilles entre la commune de Bobo et le Conseil régional des Hauts-Bassins.
En plus des embrouilles avec la commune à l’époque, le passage du pharmacien Alfred Sanou au Conseil régional a surtout été volontariste. Il avait envie de bien faire et œuvrer à renforcer le partenariat entre la région des Hauts-Bassins et celle de la Rhône-Alpes, en France.
Il a notamment été à la base des projets de développement comme le lancement de la construction du marché de « Leguema Logo », la construction des écoles dans les départements et provinces, le soutien à des institutions comme la police municipale, Sidwaya et l’hôpital Souro Sanou.
Son talon d’Achille à l’époque était clairement son administration, reconnue pour avoir eu un esprit affairiste excessivement répandu. S’il était à comparer à une personnalité politique au niveau national, Alfred serait Roch March Christian Kaboré. Protecteur et peu regardant sur les agissements de ses collaborateurs.
Freiné dans son élan par l’insurrection populaire de 2014, celui qui est né le 16 juin 1954 rêve encore de revenir à la tête de la région, selon des indiscrétions. Mais à 68 ans et dans une posture politique pas forcément enviable, la suite du parcours ne sera pas facile. Démissionnaire du CDP pour le MPP, il est en coulisse sollicité/tenté par un retour au CDP.
Salia, le phœnix de Banakelendaga
Depuis la fin brutale de son mandat à la tête de la commune de Bobo-Dioulasso suite à l’insurrection populaire en 2014, l’homme s’est replié à Banakelendaga dans sa ferme. Mais cette ferme est aussi le point de départ de plusieurs actions politiques.
A la chute du pouvoir de Blaise Compaoré, les adversaires politiques de Salia, surtout les plus jeunes, ont œuvré à l’écarter. Il n’a pas réussi à s’imposer au sein de son ancien parti. Et il semble visiblement avoir perdu cette bataille interne. L’homme a fini par déposer ses valises politiques au sein du mouvement Agir ensemble de l’ancien Premier ministre de Blaise Compaoré, Kadré Désiré Ouédraogo. Agir ensemble est ainsi devenu sa nouvelle famille politique. Loin des moyens financiers d’avant et du soutien de Ouagadougou, le leadership de Salia Sanou a pris un coup dans le parti de Kadré Desiré Ouédraogo.
Son combat pour faire élire le candidat de son parti à la présidentielle de 2020 a été un fiasco. Ce n’est pas le seul combat qu’il a perdu à la même période. Un rêve également s’est brisé en mille morceaux. Il a misé sur un autre « cheval » pour les législatives. Là aussi, échec et mat. La candidate Fatoumata Ziba pour qui il s’est battu pour lui ouvrir les portes de l’Assemblée nationale en 2020 n’a pas eu grâce aux yeux des électeurs. Finalement, le coup d’Etat du MPSR du Lieutenant-colonel Damiba va lui porter chance. Fatoumata Ziba n’a pas été élu députée à l’Assemblée nationale en 2020 mais elle a été désignée députée de l’Assemblée législative de transition (ALT) en 2022. Le rêve est devenu réalité.
C’est un pari gagné pour Salia Sanou qui reste actif sur le plan politique et compte y encore jouer un rôle. L’un de ses combats reste celui pour la finalisation du barrage de Samendeni. A l’assemblée nationale, la plupart de ses interventions portaient sur ce barrage.
Dans l’histoire de la cité de Bobo-Dioulasso, il est à ce jour le seul maire qui a pu rempiler à la tête de la commune. S’il n’est pas reconnu comme un modèle dans la gestion des affaires publiques, l’homme a de la côte chez les personnes qui accordent un intérêt particulier au social. Il a la réputation d’être très social car n’hésitant pas à venir en aide aux personnes en difficultés.
Quels leaderships politiques pour les années à venir ?
Avec une moyenne d’âge dépassant les 70 ans, Koussoubé, Salia et Alfred ont leur parcours en pente descendante. Ils ont fait leur temps. L’heure est au questionnement sur ce que sera la région et la ville de Bobo-Dioulasso quand ils se retireront définitivement du champ politique.
Ils ont eu le mérite de l’engagement politique et la force des batailles. Le tout dans un modèle où le combat était la quête et la gestion du pouvoir, sans ou presque pas d’idéologie, grâce à un système de parrainage politique. C’est celui qui avait le parrain le plus introduit à Ouagadougou qui pesait à Bobo-Dioulasso durant les années de gloire des trois.
Une stratégie qui a parfois desservi les intérêts réels de la commune et de ses populations. C’est certainement ce jeu politique qui a coûté à Bobo-Dioulasso et à la région entière certains projets de développement.
Malgré des batailles épiques et des passages à la tête de la commune ou de la région, les trois prendront leur retraite en laissant une ville avec très peu de bitumes, et beaucoup de défis liés au développement. Aux héritiers d’en tirer toutes les leçons.