La Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a ordonné, le 15 décembre, la remise en “liberté immédiate et sans conditions” du Président Mohamed Bazoum et des membres de sa famille. Elle a aussi ordonné le retour au pouvoir du président renversé.
La juridiction ouest-africaine a donné un mois à la junte dirigée par le Général Abdourahamane Tiani pour exécuter ces décisions.
Elle « ordonne au défendeur (le gouvernement militaire à Niamey, ndlr) la mise en liberté immédiate et sans condition de tous les requérants », à savoir le président Bazoum, son épouse et son fils.
« Le défendeur a violé leur droit à ne pas être détenus arbitrairement », ont indiqué les juges.
Autre point du délibéré : la Cour ordonne que Mohamed Bazoum soit réinstallé dans ses fonctions de Président. Elle a même donné un mois au Niger pour exécuter cette décision.
« C’est Mohamed Bazoum qui représente l’État du Niger »; il « demeure président de la République », a déclaré la Cour.
Ces décisions, selon la défense de Mohamed Bazoum, ne peuvent être l’objet de recours.
« Les décisions de la Cour ne sont susceptibles d’aucun recours. Aux termes du protocole relatif à la Cour, les États membres et les institutions de la communauté sont tenus de prendre, sans délai, toutes les mesures nécessaires de nature à assurer l’exécution des décisions de la Cour», affirme le collectif d’avocats de Bazoum dans un communiqué.
Selon Seydou Diagne, l’un des Conseils de l’ex-Président, la Cour a « condamné, pour la première fois, des autorités militaires qui, avec leur coup d’État, ont violé les principes de convergence constitutionnelle de la Cédéao ».
« C’est la responsabilité de la Cedeao et de ses États membres de s’assurer que cette décision de justice soit effectivement appliquée », ajoute Me Florence Loan, membre du collectif.
Cependant, ces décisions, censées s’imposer aux États parties, ne sont pas toujours appliquées par ces derniers. Cette victoire judiciaire du président évincé en juillet dernier pourrait donc se limiter à son rôle symbolique.
Détenu par le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), Mohamed Bazoum avait saisi la Cour de justice de la Cédéao le 21 septembre dernier afin d’obtenir sa libération et le rétablissement de l’ordre constitutionnel dans le pays.
Les avocats des autorités militaires nigériennes avaient demandé à la Cour de se déclarer incompétente et de déclarer la demande irrecevable. Ces demandes ont été rejetées. La Cour a finalement donné raison aux avocats de Mohamed Bazoum, retenu avec sa femme et son fils, depuis le coup d’État du 26 juillet.
Dialogue
Fans la foulée, la Cédéao a repris le dialogue avec le pouvoir militaire à Niamey.
Ainsi, le chef de la diplomatie togolaise, Robert Dussey, en visite jeudi à Niamey, a affirmé à la télévision nationale nigérienne, Télé Sahel, avoir « convenu du contenu » et du « timing de la transition » au Niger avec le Premier ministre de ce pays, un civil nommé par les militaires, Ali Mahaman Lamine Zeine.
“ Les discussions entre les délégations nigérienne et togolaise ont principalement porté sur le contenu et le calendrier de la transition en cours au Niger”, indique le CNSP dans un tweet. Ce calendrier devrait être présenté à la Cédéao dans les prochains jours.
« Nous allons d’ores et déjà présenter aux chefs d’États médiateurs et à la commission de la Cédéao ce contenu », a déclaré le diplomate togolais.
Selon Télé Sahel, Robert Dussey reviendra à Niamey en janvier 2024 avec son homologue de Sierra Leone, Timothy Kabba.
Dimanche dernier, lors de son sommet à Abuja, la Cédéao a ouvert la voie à un allègement des lourdes sanctions économiques et financières prises à l’encontre du Niger. Elle a cependant conditionné cet allègement à une « transition courte » avant un retour des civils au pouvoir.
Un comité composé des présidents du Bénin, du Togo et de la Sierra Leone devrait négocier, avec le régime militaire nigérien, les engagements à mettre en œuvre, avant un éventuel assouplissement des sanctions.
En août, le chef du régime militaire, le Général Abdourahamane Tiani, avait déclaré que la durée de la transition n’excéderait pas trois ans et serait fixée lors d’un « dialogue national inclusif ».