Après plusieurs jours d’audience, les avocats des différents prévenus ont enfin plaidé la cause de leurs clients devant le Tribunal. Tous ont demandé la relaxe de leurs clients. Pour eux, ce qui est arrivé est un incident grave et déplorable, mais la faute n’est nullement imputable aux prévenus dans cette affaire.
Le procureur avait requis la relaxe de six prévenus, dont l’État burkinabè et la condamnation à 12 mois fermes assortis d’un sursis contre Benjamin Lokossou, chef de chantier, et Joseph Traoré, directeur des travaux. Pour les avocats de ces derniers, les accusations du Procureur ne sont pas fondées. Tour à tour, ils ont avancé leurs arguments, sous le regard d’une salle attentive.
Pour maître Sedogo, avocat de Benjamin Lokossou, il n’y a pas lieu de retenir son client dans les liens de la prévention. « Pour retenir la responsabilité de Lokossou, il est important de trouver la cause exacte de l’accident et de trouver sa responsabilité directe et immédiate », a-t-il clamé d’un ton ferme. Malgré les nombreux rapports versés dans le dossier depuis le début du procès, il n’y a pas d’unanimité quant à la cause exacte de l’effondrement.
Néanmoins, le Tribunal étant souverain, Me Sedogo demande sa clémence si toutefois il décide de condamner son client qui s’est d’ailleurs retrouvé avec plusieurs fractures au pied le jour de l’accident. « Il est aussi une victime. Il a souffert de l’accident et continue d’en souffrir. Selon son cardiologue, il porte deux pathologies, conséquence de l’accident. Permettez-lui de se soigner dans les meilleures conditions, accordez lui cette chance et vous aurez rendu justice », a-t-il plaidé
Si Me Sedogo a plaidé d’une voix calme et posée, Me Bako, avocat de Joseph Traoré, a défendu son client en faisant de grands gestes et avec un ton élevé . « C’est comme si, forcément, on devait trouver un coupable, le but est de trouver la vérité et elle doit être prouvée scientifiquement », fait-il observer face aux réquisitions du procureur.
Pour lui, aucune preuve scientifique n’implique son client dans la survenue de l’accident : « Si vous n’avez pas une preuve scientifique, on ne peut pas affirmer que monsieur Traoré, même s’il assume les fonctions de directeur de travaux, a causé l’effondrement ».
Le procureur a également déploré l’absence du prévenu sur les lieux au moment des faits. Une observation qui laisse pantois l’avocat qui tonne de sa voix grave une question aux juges : « En quoi aller boire de l’eau peut causer un effondrement, monsieur le président ? ».
La personnalité juridique des groupements n’est pas établie selon la défense
Le procureur a requis une amende de 2 millions de francs CFA à l’encontre du groupement chargé des travaux GESEB SAS-COGEA International et à l’encontre du groupement chargé de la surveillance et du contrôle, Mémo-Excel ingénierie. Pour les avocats des groupements, la poursuite du procureur est vaine.
A l’entame de sa plaidoirie, maître Ouali, avocat du groupement GESEB SAS – COGEA International a posé une question au tribunal : « Est-ce que le juge pénal peut condamner une personne non juridique ? », a-t-il demandé avant de répondre lui-même par la négative. Il affirme que le ministère public a poursuivi une personne juridiquement inexistante. Le groupement n’ayant aucun numéro IFU. Il arrive à la conclusion que le groupement GESEBSAS -COGEA International n’est pas une personne morale et n’est donc pas condamnable.
Même son de trompette chez maître Kaboré, avocat du groupement Mémo-Excel ingénierie. « La personnalité juridique de Mémo-Excel ingénierie n’est pas établie. Donc la réquisition du procureur est irrecevable », a-t-il justifié.
Même si le procureur a requis la relaxe de l’Etat burkinabè, l’Agent Judicaire de l’Etat (AJE) Karfa Gnanou a tenu à défendre la cause de l’Etat. Il a affirmé l’irresponsabilité pénale de l’Etat dans les faits du 30 décembre. Il a basé sa plaidoirie sur l’absence de peines imputables à l’Etat. « Les infractions pour lesquelles on pense que l’État peut être poursuivi ne sont pas assorties de peines », a-t-il déclaré.
En cas de condamnation, le Code pénal prévoit comme « punitions », la restriction de la liberté, la privation et la restriction des droits et les peines pécuniaires. Aucune autre disposition n’est prévue. « Il n’y a pas de peine sans texte et il n’y a pas d’infraction sans peine », a affirmé l’AJE. Par conséquent, il a demandé la relaxe pure et simple de l’Etat burkinabè.
Les prévenus Dieudonné Soudré, Lamine Yaoliré, Brahima Tou, Gildas Amoussou, Ahmed Ouattara et Dieumerci Kambou bien qu’ayant bénéficié des grâces du procureur, ont été défendus par leurs avocats. Ils ont avancé l’absence du lien de causalité.
Selon maître Bonkoungou, « il ne faut pas forcément blâmer nos entrepreneurs en disant qu’ils sont mauvais, Il faut aller au fond d’un point de vue scientifique. Il n’y a pas de lien de causalité ». Et maître Bougoum de renchérir : « avez-vous pu vaincre le doute qu’ils sont innocents ? Quand on n’est pas sûr, on s’abstient et le doute profite aux prévenus ».
Après avoir écouté toutes les parties et après que les prévenus ont présenté leurs condoléances aux familles éplorées et souhaité prompt rétablissement aux blessés, le Tribunal a mis le procès en délibéré pour le 22 mars 2023.
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