La notaire de formation, Céline Ilboudo, a comparu ce 20 septembre à l’audience du pôle économique et financier du Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso. Elle est poursuivie pour des faits présumés d’abus de fonction et de blanchiment de capitaux. Le préjudice causé aux 11 victimes dans l’affaire, s’élève à plus de 80 000 000 FCFA.
Céline Ilboudo est notaire depuis 2020. Dans les faits, il ressort qu’un citoyen de Bobo Dioulasso, Abdou Boly, lui a confié la vente de sa parcelle pour un montant de 30 millions FCFA. Après avoir vendu le terrain, la notaire lui dit que des vérifications doivent être faites aux Impôts pour confirmer qu’il n’a pas de dettes, avant qu’il ne rentre en possession de son argent. Des mois après, suite à plusieurs rappels, sans suite, le vendeur Abdou Boly découvre que son argent « a été détourné » par la notaire. Il décide alors de déposer une plainte contre elle en juillet 2023.
En plus de M. Boly, 10 autres plaintes sont enregistrées contre la prévenue pour des faits similaires. Sur ces 10 dossiers, il ressort que des personnes avaient laissé des héritages (financiers) avec Céline Ilboudo, en cas de décès. Le problème survient quand les ayants droit de ces personnes essaient de rentrer en possession de leur argent. Ils découvrent que les montants ont été totalement dépensés par la notaire. Au total, plus de 56 millions devant revenir aux différents héritiers auraient été détournés par la notaire.
À la barre ce 20 septembre, Céline Ilboudo reconnaît sans détour les faits. Cependant, elle fait une confidence au Tribunal : « Je discute avec les défunts. C’est eux qui m’ont demandé de prendre leur argent et de déposer dans différentes églises ». Selon la notaire, cet argent permet à ses « clients » de se payer des faveurs au « royaume des cieux ». « Il y a des morts qui me demandaient plus que ce qu’ils m’avaient donné. J’étais obligée de prendre l’argent d’autres personnes afin de pouvoir faire ce qu’ils voulaient », dit-elle à la barre. C’est dans ce contexte, confie-t-elle, qu’elle a utilisé l’argent de la vente de la parcelle de M. Boly pour déposer, en plusieurs tranches, dans des églises de la ville de Ouagadougou. Selon l’avocate de M. Boly, cette version n’est pas vérifiable car « tous ceux qui déposent de l’argent à l’église ont forcément droit à un reçu. Surtout que les montants que vous avez déposés étaient des millions ». Elle estime que la version de la prévenue n’est pas claire.
Compte tenu de la complexité du dossier, une expertise avait été demandée pour voir si Céline Ilboudo ne souffrait pas d’une pathologie mentale. À la barre, le médecin en charge de l’expertise livre sa conclusion. Selon lui, la notaire souffre d’une schizophrénie. « C’est un trouble qui affecte la capacité d’une personne à réfléchir, à ressentir et à se comporter de manière claire », ajoute le médecin. Elle entretient un dialogue hallucinatoire avec les soi-disant morts. Pour le médecin, la notaire voit des choses qui ne sont pas réelles. C’est la particularité de cette maladie. Cependant, le médecin psychiatre reconnaît que les victimes de cette maladie mentale peuvent être souvent conscientes de certains actes.
Au-delà de cette expertise, le conseil de M. Boly estime que ces préjudices n’auraient pas pu se faire si l’Ordre des notaires du Burkina Faso avait pris ses responsabilités. En effet, en 2022, la notaire Céline Ilboudo avait fait l’objet d’une condamnation de 5 ans de prison assortie de sursis, pour des faits similaires. Selon l’avocate, après cette première condamnation, l’Ordre des notaires devait suspendre la notaire et l’empêcher d’exercer. « Donc la responsabilité de cet acte leur revient, car il y a une direction qui est chargée du contrôle des officiers publics ministériels (notaires) en cas de manquements à l’éthique. Non seulement cela n’a pas été fait, mais en plus, Madame Ilboudo exerçait sans assurance depuis plus d’un an », expose l’avocate. L’Ordre des notaires doit, dit-elle, être condamné dans cette affaire. Le parquet suit la même logique. Selon le ministère public, il est clair que l’État et l’Ordre des notaires ont failli à leur rôle de contrôle des agents capables d’exercer en toute moralité. C’est pourquoi, il appelle le Tribunal à tenir compte des préjudices subis par les victimes.
Si Céline Ilboudo est déclarée coupable, la victime Abdou Boly réclame 31 500 000 FCFA. 30 000 000 FCFA pour les frais de sa parcelle et 1 500 000 FCFA pour ses différentes dépenses dans le cadre du procès. Les 10 autres victimes, elles, réclament les montants que leurs défunts leur avaient conférés. Ces montants s’élèvent à plus de 56 000 000 FCFA.
Le procureur, dans ses réquisitions, a appelé le Tribunal à déclarer Céline Ilboudo coupable des faits d’abus de fonction et de blanchiment de capitaux. En répression, il appelle le Tribunal à la condamner à 5 ans de prison et à payer une amende de 86 765 377 FCFA, le tout ferme. Après ces réquisitions, l’avocat de la victime avance un fait de défense. « L’élément moral d’une infraction, c’est de contrôler ses faits et gestes », affirme-t-il. Selon lui, sa cliente et les autres humains ne sont pas de la « même planète », car elle souffre d’un mal.
Le Tribunal a dit prendre bonne note de toutes les plaidoiries et réquisitions. Il met le procès en délibéré pour le 22 septembre.
Léandre Sosthène SOMBIE
Huuuuummm c’est grave
On va tout voir ici.
Vraiment la justice à du pain sur la planche.Si ce n’est vraiment pas des professionnels comment trancher une situation tant ambiguë.